lundi 14 février 2011

me réincarner en papillon ?

N’y pensons plus :
le poids de l’âme !


Pour ceux qui ont eu la chance de visiter le Futuroscope à Poitiers, ils ont pu participer, en trois dimensions, en vision stéréoscopique qui m’est si chère, à la migration du papillon Monarque. On est en hélicoptère (virtuel) ; le plancher vitré permet de voir dessous. On est papillon Monarque, et on vole au milieu de ses congénères, en suivant la voie de notre célèbre migration (ça y est : je suis Monarque !). Grâce à nos instruments intégrés sophistiqués, on se dirige vers le Mexique, dans un endroit bien précis, à un mètre près. On reconnaît le paysage : « Nos anciens se sont posés sur cette branche ». Maison ! maison comme dirait E.T. (on dit : i-ti ). On est revenus à la maison ! At home !  la casa !

Deux mexicains sont les gardiens du  bout de paradis où l’on se rassemble pour notre parade annuelle, et l’un d'eux explique en espagnol (je vous la fait courte, mais lui explique ça tellement joliment) que chaque papillon représente l’âme d'un défunt. C'est magnifique, ça me fait penser à mon frère-Scorpion corse Jacques décédé si bêtement à Marseille en se faisant vérifier le cœur. Je lui avais fait découvrir la mer à Cancale. Il ne connaissait que les marées de Bastia où il n’y en a pas. Quand il a vu que la mer s’était retirée à des kilomètres à Cancale, et qu’elle revenait six heures après, il n’en est pas revenu. Et à notre amie Manette n’a pu survivre à sa disparition. J’aimerais qu’ils se soient réincarnés.

La réserve de biosphère du papillon Monarque est située dans une chaîne de montagnes à environ cent km au nord-ouest de Mexico. Sur ses 56 259 ha, chaque automne, des millions, voire un milliard de papillons provenant des vastes espaces canadiens s’amoncellent sur de petites parcelles forestières de la réserve, répartis en quatorze colonies compactes colorant les sapins oyamel en orange et faisant ployer les branches sous leur poids collectif.

Là, ils sont à l'abri du vent, de la pluie, de la neige, de la grêle et des températures qui tombent parfois légèrement sous le point de congélation. Les conditions hivernales normales dans les montagnes permettent aux papillons de survivre grâce à l'énergie emmagasinée à l'automne.

Au printemps, ces papillons reprennent une migration de huit mois, vers l’est du Canada avant de revenir au Mexique. Durant cette période, quatre ou cinq générations successives naîtront et mourront. Nous ignorons encore aujourd’hui comment ils parviennent à trouver leur chemin vers le Canada, où ils se rassemblent au parc national de la Pointe-Pelée. Ce parc situé à l'extrémité la plus méridionale du Canada est un excellent endroit d'où repartir pour traverser le lac Érié en direction de leur aire d'hivernage, au Mexique. Les monarques n'ont besoin que de bonnes conditions de vol – de la chaleur et des vents favorables. On a d’abord pensé qu’ils se dirigeaient en fonction des ondes magnétiques terrestres, ou qu’ils utilisaient la position du soleil et les vents. Les hypothèses les plus récentes – et les plus probables – font état d'une mémoire génétique au mécanisme complexe. « Complexe », ça ne veut naturellement rien dire : il faut que la mémoire de leur parcours reste fixée dans quatre ou cinq chenilles et le même nombre de chrysalides successives ! Donc c’est forcément « génétique ». Sans doute s’agit-il d’une mémoire sophistiquée, comme celle dont est équipée mon G.P.S Tom-tom, qui me permet de voyager si aisément puisque tout est inscrit dans sa mémoire prodigieuse ! Cette mémoire est d’ailleurs située dans une petite carte carrée. Il doit y avoir la même dans un Monarque. Il va falloir en ouvrir un pour voir !


 
C'est la quatrième ou cinquième génération, parvenue aux confins du Canada, à la fin de l'été, qui se voit confier la lourde tâche du retour. La nature ayant tout prévu, ce papillon-là, plutôt que quelques semaines, vivra huit à neuf mois. Sur l'arbre même qui vit naître ses trisaïeuls, il donnera à son tour le jour à une nouvelle génération.


Un monarque ne pèse qu’environ un demi gramme pour une envergure de dix centimètres.

« Les papillons savent où ils vont », révèle une étude menée par des chercheurs britanniques qui ont suivi les lépidoptères avec des radars miniaturisés. Lizzie Cant, du centre de recherche Rothamsted Research, situé dans le Hertfordshire, a fixé un émetteur sur le dos de papillons grande tortue et paons de jour. L’appareil ne pèse que 12 mg (4 % à 8 % du poids du papillon) et ne semble pas perturber le quotidien de l’animal.

L’étude, publiée par la revue scientifique britannique Proceedings of the Royal Society, montre que les papillons sont capables de repérer un habitat qui leur est favorable et de voler directement et délibérément vers une source de nourriture. Des "vols de reconnaissance" ponctuent également ces allers et venues. Les Monarque savent eux aussi où ils vont et migrent suivant un plan précis, inscrit quelque part dans leur patrimoine génétique.


On a vu qu’en Grec, le terme de psyché désigne à la fois, l’âme humaine et le papillon. Selon la mythologie, Prométhée façonna le corps humain avec de l’argile, et Athéna y insuffla un papillon pour l’animer.

Chez les Aztèques, le papillon est un symbole de l'âme, ou du souffle vital échappé de la bouche de l'agonisant. Un papillon jouant parmi les fleurs représente l'âme d'un guerrier tombé sur un champ de bataille. En effet, les guerriers redescendent sur terre sous forme de colibris ou de papillons.

Au Japon, le papillon est un emblème de la femme; deux papillons figurent le bonheur conjugal. Léger, le papillon est un esprit voyageur; sa vue annonce une visite ou la mort d'un proche.

Au Zaïre, un mythe raconte que l'homme suit de la vie à la mort le cycle du papillon. Il est dans son enfance une petite chenille, une grande chenille dans sa maturité; il devient chrysalide dans sa vieillesse; sa tombe est le cocon d'où sort son âme, qui s'envole sous la forme d'un papillon.

La ponte de ce papillon est l'expression de sa réincarnation.


J’aurais bien aimé que l’âme d’un défunt puisse habiter à nouveau un corps vivant, comme le corps d’un papillon, et procéder comme le Monarque à de grandes migrations. J’aurais bien aimé que mon ami Jacques soit un bel Hospiton ; Manette une Belle Dame. Et moi j’aimerais me réincarner en Apollon, ou faire du hill-topping comme le Flambé en haut des grands tilleuls !

J’ai du déchanter ce matin, en écoutant Edgar Morin dans l’émission matinale de France 2 « Thé ou café » de Catherine Ceillac, parler du « poids de l’âme ».

Car si l’âme pèse vingt et un grammes, elle pèse vingt fois plus lourd qu’un Monarque tout entier, et ne peut donc se réincarner dans un corps si léger !

Dommage !

Ah oui : vous vous posez la question :

 -« mais d’où sort-il ça encore ? »


J’ai trouvé ce texte de Jean-Pierre Le Goff , qui expose les notes de  ses recherches sur le poids de l'âme.  C’est lui qui parle :

« Je connais l'histoire depuis mon adolescence. L'ai-je lue ? L'ai-je entendue ? Je ne m'en souviens plus.

« Un savant voulut un jour connaître le poids d'une âme. Il pesa un moribond à la dernière extrémité et, immédiatement, il le repesa après son dernier souffle. Il trouva une différence de 21 grammes en moins, qu'il attribua au poids de l'âme.

« J'ai raconté plusieurs fois l'histoire et je l'ai aussi entendue. Parfois le nom du savant était donné, parfois le lieu était nommé, le poids changeait de temps en temps.

« Je m'en tiendrai à 21 grammes. Je taillerai un crayon vert, jusqu'à ce que j'obtienne 21 grammes de copeaux. Je les mettrai dans un bocal à confiture sur lequel le contenu sera inscrit.

« L'objet : « Le poids de l'âme » sera exposé à la Galerie Satellite du 22 janvier au 26 février 2000, dans le cadre de l'exposition collective intitulée "21".


« Quelques jours après l'envoi je reçus une lettre de Jean-Louis Bigot, dans laquelle il me disait:

« Je crois savoir d'où vient cette histoire du poids de l'âme:

« André Maurois a publié un roman en 1931 intitulé "Le Peseur d'Âmes" et qui se passe pendant la Grande Guerre (ou celle des Boers?). Un médecin militaire (sans doute chercheur illuminé dans le civil) utilise la pléthore de cadavres frais pour établir scientifiquement que l'âme existe puisqu'elle a un poids! Tout ceci de mémoire: j'ai lu l'ouvrage il y a plus de quarante ans et n'en ai plus jamais entendu parler depuis, mais c'était traité avec assez de  réalisme pour qu'un gamin de quatorze ans s'amuse à prendre ça pour argent comptant et se souvienne toute sa vie, quoiqu'il advienne des illusions.

« Le titre du roman d'André Maurois ne me disait rien et son contenu encore moins. Ma curiosité était piquée, il importait que je le lise. Je le trouvais le lendemain à la bibliothèque de Clignancourt. L'édition était de 1931.

« Bien que je n'eusse aucune attirance pour les ouvrages de Maurois, je trouvais cette histoire fantastique passionnante. Sa lecture achevée, je me suis demandé pourquoi ce livre était tombé dans l'oubli. Je n'ai pas souvenir de l'avoir vu mentionné dans les bibliographies de littératures fantastiques. J'ignore pourquoi ce roman a bel et bien sombré dans les mémoires. Il a beaucoup de qualités : Il est bien écrit, bien construit, il est crédible, il tient en haleine, il est intelligent, hors le fait qu'il faut admettre, à sa lecture, le postulat ectoplasmique de l'âme, il baigne dans un réalisme pur, ce qui décuple la force fantastique du récit.

« En résumé, le narrateur, écrivain français, se rend à Londres en 1923 et l'envie lui prend de revoir un médecin anglais, dont il partagea la tente, lors de la grande Guerre, à Ypres et qui devint son ami. Le contact est difficile, mais l'amitié reprendra et le Docteur James l'introduira à ses recherches. Le narrateur a quelques réticences, qu'il surmontera car le médecin traque les effets mesurables que peut produire l'âme sur le corps de malades décédés, au moyen d'une balance, dans la morgue de l'hôpital. Revenu à Paris pour quelques jours, l'écrivain rencontre un physicien qui lui parle de radiations qui peuvent rendre visible l'énergie et en particulier de matières fluorescentes, invisibles en plein jour, qui peuvent devenir visibles dans l'obscurité, sur le passage de rayons ultra-violets. De retour à Londres, le narrateur en parlera au médecin qui décidera de faire des expériences avec des ultra-violets. Elles réussiront. Le narrateur comprendra, lorsque le Docteur James mourra, qu'il cherchait uniquement à conjoindre son âme avec celle de sa femme, lors de la mort prévisible de celle-ci. Ses recherches étaient motivées par l'amour fou.

« La mémoire de Jean-Louis Bigot, même si elle s'est trompée dans les détails, a bien retenu l'essentiel de l'esprit du roman. Je me suis laissé captivé par sa lecture comme un adolescent

Le cours du récit offrait des compositions de lumières, qui sont décrites comme des tableaux abstraits:

« Deux gouttes d'un bleu d'acier parurent soudain dans l'obscurité, comme des planètes suspendues dans la nuit. Elles s'élargirent en volutes qui tournèrent lentement, grandirent, faiblirent, nébuleuses de plus en plus ténues. Une fumée liquide emplit tout le ballon d'un nuage irréel et lumineux.

« ...Je vis paraître un brouillard bleuâtre. Il me sembla d'abord informe et comme épars sur toute la largeur du faisceau. Mais ce stade fut si court que je ne pus l'observer. Tout de suite la fumée se trouva condensée en une masse laiteuse, longue à peu près de quatre pouces, dont le bas était horizontal et dont le sommet suivait la courbe de la cloche. Cette masse n'était pas immobile, ni homogène. On y voyait des courants plus clairs et plus foncés. Je ne pourrais mieux vous décrire qu'en vous demandant d'imaginer des fumées de cigarettes d'épaisseurs et de couleurs légèrement différentes, superposant leurs spires et leurs anneaux jusqu'à former un objet aux contours bien définis.

« Nous sommes dans la poésie des halos et des auras lumineuses du tournant du siècle. Les fluides et les lumières de Maurois viennent tout droit des visions colorées que décrivait, le baron de Reichenbach, qui s'intéressa, vers 1860, au problème du rayonnement des corps vivants, et qui déclara avoir découvert une énergie, à laquelle il donne le nom d'od. Elle apparaissait autour de personnes sous forme de halos ou d'effluves de type floral. Maurois cite d'ailleurs Reichenbach dans le roman.

« Il citera encore une autre personne: le Docteur Crooks. Le Docteur James dira s'être inspiré dans ses expériences du Docteur Crooks qui racontait avoir pesé des cadavres d'animaux et avoir constaté après un temps à peu près fixe pour une espèce donnée, une chute brusque de poids... Pour l'homme, il avait estimé cette chute moyenne à dix-sept centièmes de milligrammes. "Donc l'âme existe, concluait-il, et elle pèse dix-sept centièmes de milligrammes"...

« Le Dr Crookes n'était pas un personnage de fiction. Je savais qu'il avait inventé le radiomètre qui porte son nom. Le radiomètre est cet instrument que l'on voit parfois dans les vitrines, et le plus souvent chez les opticiens, qui est constitué d'une ampoule, dans laquelle le vide a été pratiqué et où tournent quatre pales, dont un côté est blanc et l'autre noir. L'explication de ce pseudo mouvement perpétuel tient au fait que les pales sont sous vide et les surfaces noires attirent la lumière et que les blanches la repoussent. Ce sont les photons qui les muent.

« Le Peseur d'âmes portait encore le sigle N.R.F. Il était d'un tout petit format que Gallimard n'utilise plus pour ses romans de la collection blanche. J'ai eu plaisir à lire ce livre qui, bien que marqué par son époque, n'en conserve pas moins sa force, comme peut le faire une photographie ancienne, sur laquelle le regard rétrospectif réactive avec plus de vigueur ce qui était saisi au moment même.

« Il y a toujours une émotion à lire un livre qui est plus vieux que soi. Les pages du Peseur d'âmes avaient bien jauni. Les bords des feuilles, que la lumière et la poussière infiltraient davantage, prenaient des tons francs de nicotine. J'eus le sentiment que dans quelques dizaines d'années le papier s'effriterait. Le livre en tant qu'objet me parut mourir et je craignis que son esprit entamât une disparition. »


Le poids de l'âme, c’est aussi un film sorti le  21 janvier 2004, réalisé par : Alejandro González Inárritu , avec : Sean Penn, Benicio Del Toro, Naomi Watts, Charlotte Gainsbourg, Clea DuVall, Danny Huston, Marc Musso, David Chattam, Teresa Delgado, Stephen Bridgewater. C’est une comédie dramatique américaine de plus de deux heures, sous le titre original : 21 Grams

On dit que nous perdons tous 21 grammes au moment précis de notre mort... Le poids de cinq pièces de monnaie. Le poids d'une barre de chocolat. Le poids d'un colibri. 21 grammes. Est-ce le poids de notre âme ? Est-ce le poids de la vie ?

Paul attend une transplantation cardiaque. Cristina, ex-junkie, est mère de deux petites filles. Jack sort de prison et découvre la foi. A cause d'un accident, ils vont s'affronter, se haïr... et s'aimer….



Je dois me résigner : c’est déjà pas mal que l’âme ait un poids, ça prouve qu’on en a bien une ! Elle est trop lourde pour intégrer un corps de papillon. Dommage !

Mais on sait que le papillon sait, lui, où il va. Se pourrait-il quand même qu’il y ait un rapport, un rapport avec les morts, un signe ?

Vous voyez bien que je perds tous esprit rationnel, que je m’enflamme… !

C’est vrai !

L’âme de vingt-et un grammes, quand elle part, ce que nous racontent avec force détails les livres tibétains dans leurs récits sur la vie et la mort, peut-elle provoquer un signal…

… c’est ça : une âme est partie, elle va se réincarner…

Un homme, qui avait une conscience, un moi, et un sur-moi ; une âme, est mort.

Un papillon passe, ça signifie quoi au juste ?

A l’honorer ? en faire part ? produire un signe ?

En tous cas, ça fait  de l’effet !

un effet papillon ?