samedi 26 mars 2011

Maculinea arion


La chenille et la fourmi
je n'ai trouvé arion que rarement, d'où cette toute petite boite de réserve de lycènes !

On en trouve des nouvelles intéressantes sur le web !
            
ÉCOLOGIE : Papillons cherchent fourmis-sitters     NOUVELOBS.COM | 16.06.2009 |

« En Angleterre, les amateurs de papillons peuvent de nouveau admirer les ailes bleues de l’azuré du serpolet, qui avait disparu. Ce programme de sauvetage n’aurait pas réussi sans les fourmis… »

En voilà une belle histoire comme on les aime, une histoire de solidarités. Une histoire d’habitats qui sont la base de tout. Une histoire de chercheurs qui se remuent les méninges et pas que…Et une histoire qui finit bien puisqu’un papillon disparaît. Et il réapparaît vingt ans après que l’équilibre compliqué de sa vie soit rétabli par des gentlemen britanniques, très forts en élevage manifestement, mais en …élevage de fourmis !

Il s’agit de Maculinea Arion, un Argus aux cent yeux particulièrement intéressant comme vous allez le voir. L’Azuré du serpolet est un insecte lépidoptère de la famille des Lycaenidae.

La chenille se nourrit des fleurs du Serpolet puis, transportée par les fourmis dans leur fourmilière, est nourrie, jusqu'à sa métamorphose, de larves en échange de ses sécrétions sucrées. L’envergure du mâle est de 16 à 20 mm ; la période de vol : de juin à juillet, en une génération. L’habitat consiste en  prairies jusqu'à 1 200 m. Les plantes-hôtes sont nos plantes aromatiques coutumières : serpolet, origan, marjolaine.

Le genre Maculinea désigne, à l’évidence, les macules, ou les taches, linéaires qui barrent les ailes antérieures des adultes. Et vous allez le voir, l’astuce de la référence à Arion, n’est pas mal venue :

Dans la mythologie grecque, Arion ou Areion (en grec ancien Άρείων / Areíôn) est un cheval immortel, doué de la parole selon Properce.

Son ascendance varie selon les auteurs : d'après le pseudo-Apollodore, il naît de Poséidon et de Déméter,   «semblable à une Furie » ; Pausanias rapporte qu'il est enfanté par Gaïa (la Terre). Il est monté notamment par Adraste, roi d'Argos. Homère est le premier qui en parle.

Voici ce qu'en dit Pausanias  :

« On rapporte que Déméter eut de Poséidon une fille, dont il n'est pas permis de dire le nom à ceux qui ne sont point initiés, et le cheval Areion. Voilà pourquoi, dit-on, les Arcadiens ont donné les premiers le surnom d'Hippius à Poséidon. »

Il cite à l'appui de ce qu'il avance des vers de l'Iliade et de la Thébaïde.

Homère dit dans l'Iliade, au sujet d'Arion :

« Non, quand même un héros, derrière toi, exciterait le divin Areion, ce rapide coursier d'Adraste dont la race est immortelle. »

On sait, d'après la Thébaïde, qu'Adraste s'enfuit de Thèbes : « Portant des vêtements de deuil et conduit par Areion aux crins verts. » Ils prétendent que ces vers indiquent que Neptune était père d'Arion. Cependant Antimaque de Colophon dit qu'Arion était fils de la Terre.

« Adraste, fils de Talaos, descendant de Créthée, le premier des Danaëns, poussa en avant ses fameux chevaux, l'agile Cérus et Areion le Thelpusien, que la Terre elle-même enfanta près du bois d'Apollon Oncéen pour qu'il devînt l'objet de l'admiration des mortels. »

Ce cheval fabuleux, de race divine, avait la particularité de posséder une crinière verte. Héraclès, faisant la guerre aux Éléens, aurait demandé ce cheval à Oncus. Le fils de Zeus aurait été ainsi monté sur Arion lorsqu'il s'empara d'Élis. Par la suite, Héraclès donna Arion à Adraste ; c'est pour cela qu'Antimaque dit en parlant d'Arion : « Qu'il était alors conduit par Adraste, son troisième maître. »


Alors Arion-papillon bleu, comparé à Arejon-cheval à la crinière verte ?


Mais oui, mais c’est bien sûr ! la chenille d’Arion (le papillon), qui est écolo personne n’aurait pu en douter, d’où la couleur verte, se fait monter tel Adraste, par des fourmis rouges !


Celles-ci entraînent le cheval mythique dans leur vastes galeries-écuries, et pansent leur nouveau coursier pour le maintenir en forme. Et voilà que le cheval, qui est merveilleux (vous suivez : c’est de la chenille que je parle) se met à transpirer (d’allégresse tellement il adore qu’on le gratte ; je ressens en écrivant tout ça des démangeaisons dans le dos). Et les fourmis boivent littéralement la sueur, s’en régalent et s’en nourrissent. Et que je te gratte. Et que je sue. Et que je mange ton miel. C’est très fusionnel !

Une symbiose : la base d’une véritable association gagnant-gagnant comme on dit au MEDEF. (le syndicat des Patrons : eux ils font « suer le burnous » c’est du pareil au même, c’est une symbiose aussi.)


Je vous ai raconté tout ça à ma façon à moi, un peu imagée, mais voilà comment ça se passe en vrai, décrypté par de véritables scientifiques :

« Tout d'abord la femelle de Maculinea Arion pond sur sa plante nourricière. De cette ponte naîtront des chenilles qui durant les 1er, 2éme et 3éme stade rongeront les feuilles de serpolet ou accessoirement de marjolaine sauvage. Arrivé au 4éme stade, un phénomène tout à fait remarquable va se mettre en place : la naissance d'une symbiose. En effet la chenille dispose d'un organe, dit organe de Newcomer, sur le 7éme segment abdominal qui produit une sécrétion sucrée (le miellat) quand une fourmi excite la chenille de façon prolongée. De plus, les chenilles qui ont tout prévu émettent une odeur particulière (une phéromone comme d’habitude) sauf qu’au lieu d’énerver les mâles de la même espèce, elle « sent bébé-fourmi » pour leurrer les Myrmica sabuleti, de petites fourmis rouges dont la femelle se distingue par la présence d’un aiguillon.

« Après la 3éme mue, la chenille de Maculinea arion abandonne sa plante-hôte et se met à ramper sur le sol. Et c’est là que c’est très fort : la chenille d’Arion fait croire aux fourmis qu’elle est une larve de Myrmica qui a fait une fugue ! Les fourmis la saisissent avec précaution (à ce moment la chenille rétracte la tête dans son thorax afin de faciliter la prise de la fourmi). Et la ramènent dans la nursery de la fourmilière. Arrivées à ce stade, les chenilles précédemment végétariennes deviennent carnivores faute de serpolet. Et consomment exclusivement des larves de fourmis qui n’y voient que du feu puisqu’elles croient que c’est une jeune copine au stade larvaire qui change de régime ! Une fourmilière peut contenir entre une et quatre chenilles. En contrepartie la chenille se fait gratter (de caresses), laissant  son hôte se servir comme dessert du succulent miellat exsudant de ses glandes dorsales.

La chenille passe ainsi l'hiver à l’abri de ses ennemis, de la neige et du gel. Au printemps, elle effectue sa métamorphose nymphale toujours dans la fourmilière pour devenir chrysalide, posée comme ça, directement par terre. Et environ trois semaines plus tard, le papillon, dans l’indifférence totale des fourmis, sort de son terrier, grimpe sur une tige pour étaler ses ailes, et peut commencer un nouveau cycle.

Sans cet union fourmi-chenille, Maculinea arion n'aurait aucune chance de survie. C’est ça une symbiose réussie.


Et c’est là que peut commencer notre belle histoire : Je commence en anglais, puisque c’est dans l’United Kingdom que cette aventure a lieu :


Triumphant Return of the Large Blue Butterfly

Wed, 06/17/2009 -  — bioquicknews An upcoming report in Science celebrates the 25-year effort to restore the large blue butterfly (Maculinea arion) in the UK, where it reached extinction in 1979.

Je poursuis en français car je me méfie que certains d’entre vous décrochent, ne maîtrisant pas la langue de Shakespeare. C’est dans le Nouvel Observateur que paraît cette traduction toute récente (nous sommes mi-2009).

Une femelle Maculinea arion photographiée à Dartmoor, en Grande-Bretagne. (David Simcox, Centre for Ecology and Hydrology, UK)

L’équipe de Jeremy Thomas, de l’Université britannique d’Oxford, a réussi un exploit écologique. Grâce à plus de vingt cinq ans de travail ces chercheurs ont réussi à réintroduire en Angleterre une espèce de papillon aux ailes bleues disparue depuis 1979 : l’azuré du serpolet.

Le nombre de colonies de Maculinea arion avait progressivement diminué jusqu’à ce que cette espèce très localisée s’éteigne complètement, en moins de trente ans.

Thomas et ses collègues ont réussi à établir un lien entre la diminution forte du nombre d’œufs d’azuré constatée entre 1972 et 1977, une maladie qui avait décimé la population de lapins sauvages, et la faible exploitation des terrains par les éleveurs. Le point commun entre ces trois données : c’est la modification du milieu herbacé. Pour un être humain cela peut paraître anecdotique, pour ce papillon cela s’est avéré dramatique.


Pendant l’été, les femelles déposent leurs œufs uniquement sur des fleurs de thym sauvage. Après l’éclosion, les chenilles tombent sur le sol. Elles enclenchent alors un mécanisme de survie un peu particulier. En émettant des signaux chimiques inconnus, elles attirent des fourmis et se font passer pour leurs larves. Rapportées à la nurserie de la fourmilière, les chenilles sont alors nourries et protégées pendant dix mois.

Durant toute cette période, elles fournissent à leurs hôtes des sécrétions sucrées particulièrement appréciées par la colonie. Dès le début du mois de juin, elles se transforment en chrysalide juste devant l’entrée du tunnel. Deux semaines plus tard, les papillons adultes peuvent s’envoler sans difficultés. Ce système de symbiose a longtemps intéressé les chercheurs.

Il existe en effet plusieurs espèces de Maculinea, dont le cycle  repose sur une plante et une espèce de fourmi particulière. C’est le cas d’ Alcon, l’Azuré des mouillères (quel nom pour désigner des prairies humides !). Alcon, compagnon d’Héraclès, est l'Argonaute. Il était capable de tirer à travers une rangée d'anneaux placés sur les casques de soldats rangés en file. Il pouvait fendre des flèches placées sur la pointe d'une épée ou d'une lance. Un ancêtre de Guillaume Tell.

Alcon vit sur des plantes des marais avant que Myrmica rubra et Myrmica ruginodis ne ramène ses chenilles dans leur nid. Ses chenilles sont devenues très perverses, car elles miment la composition lipidique de la cuticule des fourmis pour les attirer ! Les fourmis en sont à être menacées, devenant accro au miellat des chenilles plutôt que de s’occuper de leurs propre progéniture moins sucrée !


L’essentiel devient la survie des fourmis ! « Avec une herbe trop haute ou trop basse, les colonies de fourmis ne pouvaient plus survivre », expliquent les chercheurs, qui publient leurs travaux cette semaine dans la revue Science. Elles ont fuit le milieu trop froid et trop humide, abandonnant les chenilles tombées à leur sort.

Pour sauvegarder l’azuré, réintroduire les papillons ne suffit pas. Il faut restaurer le milieu humide, indispensable à la plante, et aux conditions de vie des fourmis. En Angleterre, suite à cette étude, les chercheurs ont relâché des espèces animales herbivores puis, après un certain temps, des lépidoptères adultes, importés de Suède en 1983. En 2008, les papillons occupaient 30% des espaces naturels qu’ils colonisaient en 1950.

Par ailleurs, restaurer l’habitat de ce papillon et réussir sa réintégration a profité à l’ensemble de la biodiversité locale puisque d’autres espèces d’oiseaux, d’insectes et de papillons ont vu leur population augmenter.

En France, dans le marais de Lavours, département de l’Ain, classé réserve naturelle, un protocole très précis a été établi. En identifiant les besoins de chacune des fourmis hôtes des azurés du serpolet, les responsables de la réserve ont établi des séries de fauches particulières permettant au système de retrouver son équilibre. Cet exemple de restauration d’une niche humide devrait être rapidement applicable à d’autres programmes de sauvegarde.

À la belle saison, les papillons sont un ravissement de formes et de couleurs. Que serait la nature sans ces magnifiques insectes ? Dans ma collection, ne n’ai rassemblé que très peu d’Arion, encore moins d’Alcon, quelques mâles et c’est tout ! Je n’allais pas risquer de remettre en cause un si complexe équilibre ! Et comme vous vous en doutez, je n’ai jamais su mener un élevage ! J’aurais pu à la rigueur faire pondre une femelle, ou trouver sur de l’origan de jeunes chenilles. Mais comment disposer d’une fourmilière de l’espèce idoine autrement que dans un pré, in situ ? Il y a toujours plein de bouquets d’origan à la maison, cueillis en fin d’été dans les Pyrénées, pour que ça sente bon chez nous. Mais on fait tout ce qu’on peut pour chasser les fourmis. Sans doute avons-nous tort !

Les azurés du genre « Maculinea » sont tous protégés en France par Arrêté du 22 juillet 1993 fixant la liste des insectes protégés sur le territoire national.

Ces petits papillons bleus sont devenus le symbole d'une nature encore vivante et riche.



Mais sans les fourmis, vous savez maintenant

qu’ils ne savent pas survivre !